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Dans les secrets du Grand Bazaar de Téhéran

  • Y.A
  • 21 sept.
  • 6 min de lecture
Dans les secrets du Grand Bazaar de Téhéran

Si en Europe les ports peuvent être perçus comme étant la colonne vertébrale des échanges commerciaux entre continent et pays, en Iran les choses en vont tout autrement.

Pour comprendre le commerce en Iran il faut revenir au temps de la route de la soie. Une ancienne route commerciale entre l’Asie et l’Europe qui a été abandonnée vers le XVe siècle, mais dont son utilisation remonte à « au moins 2000 avant notre ère ». Elle a rendu les villes telles que Chiraz et Ispahan célèbrent. Chiraz et Ispahan ont été toutes deux des capitales de l’ancien empire perse. Cela ne fait que 200 ans que Téhéran en est une. Il faut donc comprendre par-là que les bazars d’Ispahan et Chiraz sont plus anciens que celui de Téhéran. La situation du Téhéran d’aujourd’hui ne remonte donc pas à une lointaine époque mais plutôt à une situation assez récente, ce sont les circonstances actuelles et le centralisme de l’État qui ont permis à Téhéran et son Bazar de devenir aujourd’hui cette épicentre économique et commercial.


Tout a commencé il y a 200 ans

C’est au centre de la Capitale que l’on retrouve tout ce qui représente et représentait les symboles du pouvoir étatique. Le Parlement (avec la célèbre mosquée Sepahsalar à ses côtés), le Palais du Golestan (ancien palais royal), les édifices du gouvernement, le premier bâtiment de la banque Melli (la première banque qui a été construite par le pays) …. Et parmi eux il y a le grand Bazar (datant de 700 ans).


Il n’y a rien d’étonnant que tous ces monuments qui sont également des symboles étatiques se retrouvent presque côte à côte. C'est de cette manière que les capitales perses se sont toujours bâties.


« Toujours côte à côte, dans un but d’unité, on a toujours la mosquée, le Bazar et un palais, les symboles des trois pouvoirs majeurs du pays. »



Dans les secrets du Grand Bazaar de Téhéran

En entrant dans le grand Bazar de Téhéran, on entre dans l’épicentre du commerce en Iran. C’est là que se décident tous les prix pour tout genre de marchandises. Ça peut aller de l’ustensile de cuisine à la pierre précieuse, du tapis persan centenaire à l’électroménager. On y retrouve également pas mal de matières premières essentielles.


Tous les commerces du pays se fournissent dans la capitale et notamment dans ce grand bazar, avec cette multitude de petites échoppes sans fioriture étalant leurs marchandises jusque sur les pavés de la rue. En semaine on s’y presse, c’est noir de monde (imaginez un samedi après-midi ensoleillé d’un centre-ville en Europe) tous les jours de la semaine, on y grouille dans l’espoir d’y faire de bonnes affaires, s’y avoir un « taghfif » (terme venant de l’urdu que l’on utilise en persan qui veut dire réduction) obtenir le prix qui permettra au revendeur de revendre son stock au plus vite.


Le Bazari lambine à vendre

Chaque partie du Bazar a sa spécialité, le Bazar en lui-même est un vrai labyrinthe où on peut s’y perdre facilement. Mélangé à ces petits commerces, on y trouve des restaurants presque tous traditionnels, très populaires et dont le confort est minimal.


Venant d’Europe, nous avons plus ou moins tous une culture et une vision très occidentalisée de toute chose, entrer dans le Bazar de Téhéran nous donne l’effet d’entrer dans la caverne d’Ali Baba. Assis, attendant, vous avez les commerçants, parmi les anciens beaucoup portent une moustache, avec une mise assez simple, des vêtements faits dans un coton un peu rugueux, guère loquaces aux premières abords, ils semblent ne rien faire pour appâter le client. Effectivement on pourrait même dire que c’est au client d’appâter le vendeur, oubliez en Iran cette notion « du client est roi » cette image de la clientèle (chaland) n’a pas sa place dans cette culture millénaire. Achetez de la marchandise au Bazar prend du temps. Les iraniens ne sont pas des gens pressés et ils ont un sens de l’hospitalité très aigu. On ne conclut pas un accord sans proposer un verre de thé accompagné de son « gan » (morceau de sucre) ou de son biscuit. Les Bazaris se montrent très fiers de ce qu’ils possèdent (en matière de marchandise), ils aiment donc à le montrer. Aucun prix n’est discuté jusqu’à la fin de la conversation, une conversation qui peut durer longtemps si le marchand vous aime bien. Une caractéristique très intéressante car elle permet d’obtenir de bons prix.


L’habit de ne fait pas le moine : tout est question d’humilité

Un Bazari ne montre pas son argent, vous ne le verrez pas porter des habits ou des accessoires de luxe. Même en regardant dans quel véhicule il roule, vous ne pourriez pas deviner sa richesse.


« A une époque les bazaris mangeaient leur repas du midi dans le noir le plus complet afin d’éviter d’être vu depuis l’extérieur, ceci afin d’éviter la possibilité d’indisposer quelqu’un de malchanceux »


Ce n’est pas de l’avarice, non c’est une étiquette que tous les Bazaris respectent. Celle de ne pas indisposer par sa richesse. Ce comportement assez singulier est appelé « tarof ». Le « tarof » iranien qui peut être décrit comme étant des règles de savoir vivre à la perse, régit toutes les relations amicales, familiales et aussi de travail, en bref c’est cette étiquette qui domine toutes les relations quelles qu’elles soient en Iran. Mais comme partout la culture iranienne évolue avec son temps et l’application de cette étiquette si particulière se fait de moins en moins sauf chez ces fameux Bazaris, que l’on pourrait décrire comme étant les dépositaires des traditions iraniennes.


Le crédit et le poil de moustache : une histoire de paroles.

L’on raconte qu’à une époque lorsqu’un vendeur faisait confiance à un acheteur qui n’avait pas la somme de l’achat sur lui, par un geste symbolique l’acheteur lui confiait un poil de sa moustache que le vendeur devait garder jusqu’au payement de la dette. Ce geste est un acte symbolique représentant la confiance que le vendeur donne à son acheteur. Bien entendu, cette situation n’existe plus aujourd’hui. Cette anecdote assez amusante en soi pousse les hommes iraniens à ne pas vouloir raser ou couper leur moustache. Certains anciens encore aujourd’hui font bien attention à ne jamais la raser car elle est devenue le symbole de l’homme dans une société extrêmement encore traditionnelle.


Vous l’aurez compris, l’atout majeur d’un Bazari, c’est la confiance que lui porteront ses collègues.


« Le vrai pouvoir d’un bazari c’est sa capacité à obtenir du crédit auprès de ses confrères »


Comme dans tout commerce, les fonds financiers sont le principal problème d’une entreprise qui, dans notre société, est réglé à l’aide d’aide privée comme ceux provenant de la banque.


En Iran et dans son bazar aucun intermédiaire, c’est entre bazaris que les choses se règlent, d’où l’importance de la confiance. La confiance c’est la pierre angulaire de toutes les formes de commerce existantes en Iran. Sans elle vous n’avez aucune chance d’aboutir à quoi que ce soit.

Même acheter une échoppe dans le bazar, vous ne le pourriez pas tout simplement parce que les marchandises sont gardées avec une sécurité très minimale, les bazaris doivent se connaître entre eux et quand un nouveau souhaite venir, il faut absolument le parrainage d’un ancien. De même en ce qui concerne l’achat, si un bazari ne peut pas payer d’un coup le montant de la transaction, le vendeur peut accepter d’être réglé petit à petit mais seulement s’il connaît le bazari en question, s’il lui fait confiance et s’il a bonne réputation.


Un marché boursier très spécifique

Le rush de la Bourse de New York ressemble beaucoup à celui du Bazar, vous pouvez alors imaginer l’activité intense qui peut régner en son sein. Cette animation perpétuelle atteint son paroxysme vers les 18h. En effet, à 18h, toutes les marchandises vendues se retrouvent entassées dans différents véhicules de transport afin d’être envoyées aux quatre coins du pays. Imaginez l’amoncellement de toutes ces marchandises à même la rue, les transporteurs et leur moteur vrombissent en attendant de pouvoir partir, les Bazaris hurlant à travers le vacarme régnant dans la rue donnant leur dernière instruction. Tout cela vous donne l’image à laquelle les Iraniens, rentrant du travail, font face tous les jours. L’atmosphère y est étouffante, les hommes sont nerveux, on pousse, on crie pour réussir à faire passer les motos et les voitures entre les vans et Les vieux camions qui attendent d’être remplis jusqu’à ras-bord.


Dans les secrets du Grand Bazaar de Téhéran - Conclusion

L’Iran par ses traditions et son histoire possède une circularité financière qui permet au bazar d’être un atout économique important.


Mais ce qui semble être la chose la plus importante dans tout ce qui a été évoqué, c’est très certainement le côté très humain des rapports entre marchands. A l’heure où on doit faire face à une économie mondiale chancelante, il y a dans ce grand pays aux portes de l’Asie une humanité que même l’argent et le profit ne viennent pas entacher.


Ici on parle de valeurs humaines, d’empathie, de générosité, de foi envers l’humanité et ses capacités. Bien que les lois islamiques règnent dans le bazar, les bazaris n’ont aucunement besoin d’une structure administrative pour régler leurs problèmes car ils sont convaincus qu’aucune personne ne gagnant son argent de manière honnête puisse y rester longtemps.


Allez dans n’importe quel Bazar en Iran et vous verrez très souvent de l’eau, des dattes et du thé distribué en mémoire d’un mort, d’une journée ou juste dans le but d’aider son prochain.



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